Chapitre 5. L'ère du numérique ambiant

Table des matières

1. L'informatique mobile
2. L'ordinateur démultiplié
3. La richesse des contenus
4. La capitalisation des données
5. Piste pour un avenir proche
Bibliographie

À partir de la fin des années 1990, une nouvelle série de changements techniques, de population d'usagers, d'usages et d'objectifs assignés aux outils numériques se met en place. Il s'agit désormais d'outils d'information et de communication destinés à chaque individu. Désormais le numérique touche de très nombreux aspects de la vie privée comme publique, du travail comme des loisirs.

Si l'on reprend les soixantes ans de l'histoire de l'informatique, nous pouvons distinguer quatre grandes périodes. Avant les années 1940, la notion d'information n'est pas encore définie. Chaque type de bien culturel/informationnel est défini spécifiquement, généralement par son support. Avec les premières générations d'ordinateurs, des années 1950 aux années 1970, apparaissent de nouvelles machines capables de traiter toujours plus d'information, toujours plus vite, pour un encombrement et un prix toujours plus faible. À cette époque l'entreprise dominante est IBM, « big blue ». Vient ensuite l'ère de la loi de Moore, de la fin des années 1970 au début des années 2000, qui voit une forme de compétition/émulation entre le hardware et le software. Les périphériques se multiplient. La puissance des processeurs est multipliée par plus de mille. Les logiciels dominent désormais. Cette période fait la fortune de Microsoft, « big green ». Aujourd'hui, les possibilités matérielles plafonnent, la plupart des usages bénéficient d'une bonne offre logicielle, le développement de l'informatique doit donc une troisième fois changer de nature. Nous sommes désormais dans l'ère des usages : la richesse réside dans les contenus, dans leur organisation, dans leur communication. Cette période voit l'avènement d'Internet et du web. L'entreprise dominante est maintenant Google, « big white ».

1. L'informatique mobile

Depuis les années 1970 et l'invention du microprocesseur, tous les éléments qui constituent, fondamentalement, un ordinateur sont disponibles sur une simple puce, peu encombrante. La technologie ordinateur, de fait, s'est intégré à de très nombreux dispositifs, les plus quotidiens, de façon à en faciliter la manipulation : électroménager (four à micro-onde, télévision, lave-linge, lave-vaisselle…), automobiles (injection électronique, moteur électrique, navigateur…), robots d'industrie, distributeurs divers (guichet d'autoroute, distributeur de boissons…), automates d'interaction (serveurs “vocaux” téléphoniques, caisses de supermarché automatiques…). L'automatique est désormais omniprésente, pour le meilleur et pour le pire, et personne ne conçoit plus de retour en arrière.

Un des éléments majeurs de cette omniprésence est le dispositif mobile personnel (ou familial) : mini-PC, ordiphone ou tablette numérique. Un moment important de cette histoire commence en 2005 avec le projet humanitaire « one laptop per child » d'équipement d'enfants de pays pauvres à l'aide d'ordinateurs portables à bas coût. Technologiquement, il s'agit de petits ordinateurs dont le coût ne doit pas dépasser 100$. L'engouement est fort pour un certain nombre d'amateurs de technologies et le projet ne tarde pas à essaimer dans le monde commercial sous la forme de mini-PC ou netbooks. Ces mini-PC servent essentiellement à la navigation et à la petite bureautique. Souvenons-nous que cette aspiration de la mobilité informatique est ancienne : l'IBM 650 est (symboliquement) doté de roulettes, le PDP-8 (110 kg) s'affichait dans une décapotable… Notons aussi que le PC classique était alors en panne d'évolution, en particulier en termes d'ergonomie. L'arrivée de ces nouveaux dispositifs rencontre donc très rapidement le succès[33], prolongé par le développement des tablettes numériques, dont l'objectif fonctionnel est similaire. Les mêmes techniques permirent ensuite le développement de téléphones intégrant de véritables ordinateurs, les ordiphones ou smartphones. Aujourd'hui, ces dispositifs mobiles ont dépassé, en nombre d'unités vendues, les ordinateurs proprement dits, fixes et portables[34]. La nature même du commerce électronique en a été changé : les consommateurs sont maintenant, pour beaucoup, connectés en permanence ; ils peuvent acheter en ligne, comme précédemment avec les ordinateurs, mais aussi comparer les prix, les détails techniques ou les avis d'utilisateurs à l'occasion d'un achat. Autre évolution : comme téléphones et tablettes sont généralement géolocalisés, un nouveau marché, dit hyperlocal, se développe, notamment par l'émission de publicités géographiquement ciblées, la réalité augmenté…

L'extension, en termes économiques et en termes d'usages, de ces technologies mobiles, produit à sa suite de nouveaux besoins. La souris doit être remplacés par des interfaces dites « naturelles », qui ne nécessitent pas de table. À la demande de puissance, se substitue, dans un premier temps, une demande d'autonomie, pour laquelle l'industrie, en particulier du microprocesseurs, va faire des efforts considérables (et une nouvelle société, ARM, devient rapidement leader, occultant les fondeurs traditionnels). De même, une demande de mobilité se substitue à la demande ancienne de confort d'utilisation. Le leader des systèmes d'exploitation fixes, windows, est alors complètement dépassé : il cède presque complètement le pas à iOS (Apple) et Android (Google)[35]. Le web, de son côté, devra répondre à une fragmentation considérable du marché de consultation (les dispositifs ont des résolutions et des tailles extrêmement diverses) et devra développer un nouveau mode de conception d'interfaces unifiées. Aux connexions Internet filaires se substitueront des interfaces hertziennes (par radio) : WiFi, 3G, 4G, bluetooth, NFC… Enfin, signe des temps, l'exigence de productivité sera très explicitement remplacée par une exigence d'esthétique : ces dispositifs doivent pouvoir être montrés, et même s'afficher.

Bibliographie

[Flichy] Patrice Flichy. L'imaginaire d'Internet. La Découverte. 2001.

[Negroponte] Nicholas Negroponte. L'homme numérique. R. Laffont. 1995. Les indications de page sont données à partir de la seconde édition anglaise..

[Verroust] Gérard Verroust. Histoire, épistémologie de l'informatique et Révolution technologique. Université de Paris VIII. 2006 (c. 10/4/2008). en ligne : http://hypermedia.univ-paris8.fr/Verroust/cours/TABLEFR.HTM.

[Wiener] Norbert Wiener. Cybernétique et société. 1952. trad. fr. de The Human Use of Human Beings (1950).



[33] Selon l’institut GfK, 500 000 Netbooks auraient été achetés en France en 2008, soit 1 ordinateur par minute.

[34] Les ventes mondiales de smartphones ont dépassé celles des ordinateurs au 4e trimestre 2010.

[35] Début 2014, Android a une part de marché mondiale de 80 à 85% et iOS entre 10 et 15% (et environ l'inverse pour le haut de gamme). Les autres systèmes d'exploitation se partagent environ 4% de part de marché [source : ZDnet, IDC].