3. La richesse des contenus

Les services en ligne datent des années 1980, avant le web et même d'avant l'ouverture d'Internet. Il y avait alors fort peu d'utilisateurs. Ces services explosent en 1993, du fait de l'ouverture d'Internet au secteur privé (1991), de l'extension du web et de la publication de nombreux ouvrages sur le sujet. Jusqu'à la fin des années 1990, on reste toutefois sur des usages relativement limités : publication ou communication. Vers le tournant du siècle la notion de contenu, en particulier produit par les utilisateurs, prend une importance (et une volumétrie) considérable.

Au début de l'informatique personnelle, il s'agit surtout pour les utilisateurs de produire des documents, de les présenter. Après une génération humaine, on se rend compte que les éditeurs de logiciels propriétaires ont abusé de leur position en rendant obligatoire de passer par eux pour accéder aux contenus ; ceci entraîna une prise de conscience du besoin d'interopérabilité et un début de conscience de la primauté du contenu sur le logiciel de création ou de lecture. Deuxième évolution majeure : les réseaux de communication et, donc, le besoin d'échanger ou de communiquer les contenus ; ceci entraîna une standardisation des formats de données, pour les usages les plus courants. Enfin, troisième constat : les effets dits de “pourrissement des bits” ; ceci entraîna la création de formats de données plus pérennes et évolutifs. La donnée, et plus précisément le document (donnée structurée et identifiée) devient ainsi une matière première. Le document n'est plus seulement un ouvrage à la forme fixe mais un contenu diversement exploitable.

Wiener (1950) avait déjà l'intuition que la civilisation se réorganiserait autour de l'information, d'où l'importance centrale de la communication et des contenus. Pour lui, la société est entièrement définie par les messages qui circulent en son sein. Sa vision annonçait déjà la société de l'information, avec ses avantages et ses dangers. L'ordinateur amorce un changement de l'organisation économique qui tourne résolument la page du taylorisme (parcellisation et monotonie des tâches) de la Révolution industrielle dans l'organisation de la production. On parle de « Révolution nootique », « Révolution de l'intelligence » de « Révolution Scientifique et Technique », de « Société Post- Industrielle », etc. [Verroust]. En même temps, une crise économique mondiale multiplie les chômeurs, creuse les inégalités entre les nations et dans les nations. De plus en plus, notre société fait faire par les machines, plutôt qu'avec des machines. La part de la recherche et développement, de la conception plus généralement augmente dans la valeur ajoutée. Il en découle évidemment des bouleversements dans la division traditionnelle du travail, dans le découpage des responsabilités, dans la répartition des qualifications et dans la formation initiale et permanente des travailleurs. Une nouvelle alphabétisation, de la technique, émerge, tout aussi incontournable que celle de l'écriture. De nouvelles professions intellectuelles spécialisées apparaissent. Pour certains auteurs les technologies numériques disposent de qualités propres qui font que leur généralisation est inéluctable. Ainsi, N. Negroponte : But being digital, nevertheless, does give much cause for optimism. Like a force of nature, the digital age cannot be denied or stopped. It has four very powerful qualities that will result in its ultimate triumph: decentralizing, globalizing, harmonizing, and empowering. [Negroponte, p. 229]. D'autres, tels que D. Engelbart, voient plus loin encore et considèrent que le numérique a pour finalité d'augmenter l'Homme [Flichy, p. 49-50].

Parmi les évolutions technologiques majeures relevant du numérique et mettant le contenu au cœur, citons rapidement :