À l'époque de la seconde Guerre mondiale les ordinateurs n'existaient pas encore. En revanche, l'industrie et le commerce connaissaient depuis longtemps les machines à calculer.
Figure 1.3. Une pascaline signée par Pascal en 1652 (David Monniaux, Musée des arts et métiers, Paris)
Le premier témoignage connu d'une machine à calculer est un courrier adressé à Kepler en 1623, mais celle-ci semble être restée inconnue jusqu'au 20e siècle. La première machine réellement diffusée est l'œuvre de Blaise Pascal (le philosophe, 1623-1662). La pascaline, conçue en 1641 et réalisée en 1645, sera produite en grand nombre (pour l'époque). Avec le temps les machines à calculer deviendront de plus en plus sophistiquées, commodes d'utilisation et bon marché. Dès la fin du 19e siècle on sait que la demande est forte, en particulier dans les commerces de détail, pour les activités quotidiennes, et dans le domaine du recensement. Par exemple, la société IBM, qui dominera plus tard le marché informatique, fut crée en 1896 par Herman Hollerith sous le nom « Tabulating Machines Corporation »[5]. Cette forte demande suscitera des améliorations successives, notamment le clavier, l'imprimante et une gestion de la retenue permettant d'utiliser de grands nombres sans bloquer la mécanique. Ces évolutions permirent notamment de construire des calculateurs proprement colossaux, en particulier aux États-Unis et en Allemagne. Comme pour le père de Pascal, il ne s'agissait pas tant d'effectuer des calculs particulièrement complexes mais simplement de faire plus rapidement des calculs répétitifs et très nombreux. Après les calculateurs purement mécaniques animés par une manivelle, puis un moteur thermique pour les plus gros, arrivèrent les calculateurs électromécaniques (le Harvard MARK 1, le Model 1 et les premiers Z allemands) et électroniques (ABC, ENIAC), à base de relais “téléphoniques” et de tubes à vide (puis de transistors). En 1941, le Z3 de Konrad Zuse est le premier calculateur universel programmable. En 1946, l'IBM 603 est le premier calculateur électronique commercialisé.
Pourtant, malgré toutes ces évolutions, jusqu'à la fin de la seconde Guerre mondiale, le principe général d'organisation de ces calculateurs reste fondamentalement le même : celui de la pascaline et du boulier (mais avec une infrastructure plus performante et parfois plus ou moins programmable)… Précisément, ces machines sont des assemblages de compteurs incrémentés par les opérations successives.
Deux exceptions, toutefois. En 1821, l'anglais Charles Babbage (1791-1871) conçoit les plans d'un calculateur universel programmable en s'inspirant des travaux de Jacquard. Babbage ne réalisera qu'une petite partie de sa machine, trop complexe pour l'époque et bien trop coûteuse. En terme de programmes, on considère souvent qu'il avait eu l'idée d'un mécanisme de commande incluant le conditionnel, mais en réalité rien n'est sûr : on interprète là un écrit court et obscur d'Ada Lovelace. Son influence effective sur le développement du calcul et de la jeune informatique n'est, en tout cas, guère décelable. La seconde exception est Konrad Zuse qui développa pendant les années 1930 un calculateur universel à programme enregistré, mais sans encore de conditionnel. Zuse, très fécond, sera longtemps le moteur (isolé) de la recherche allemande dans le domaine.
C'est à l'occasion de la seconde Guerre mondiale que ces machines sortiront des simples applications calculatoires et rejoindront l'histoire de l'informatique.
[5] Elle deviendra IBM en 1924, bien avant l'invention des ordinateurs. En 1890, ces machines à tabuler réussissent la prouesse de permettre à l'administration étatsunienne d'effectuer un recensement général de la population en trois ans seulement.